J’ai tout arrêté pour écrire. J’ai appuyé sur le gros bouton rouge de la machine à activité. Je ne garde plus que dans mes souvenirs quelque images de bourreaux et des estampes de joie. Dans mon attente désespérée de fuite je fus rattrapé, comme toujours, par mes propres organes, par mes sens, mes émotions.
Ma nature, cette nature sociable dégradante, j’ai voulu la troquer contre du savoir. La transcender en ce qui me semble supérieur, en un mélange différent.
Je croyais que je pouvais tomber plus bas que moi, c’est faux.
Je me suis raté à ma naissance.
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Grandir, mûrir (c’est-à-dire me rapprocher du pourrissement) m’a éloigné de la philosophie. Je deviens prosaïque. Je touche le sol, j’en viens à le lécher et y a trouver goût. La philosophie qui auparavant me semblaient innée et créait en moi des frissons de certitudes est dorénavant un langage étranger. Je n’ai plus qu’un simple vocable alambiqué et des concepts qui me semblent flou.
J’ai sur ma droite mes amis, rangés côtes à côte, qui me regardent tout les jours fonctionner. Je n’ose plus les regarder.
Moi qui me suis pris pour un auteur, un écrivain, un philosophe et même parfois un penseur . Je rejoins la fosse déjà trop remplie des ratés et des anonymes. Ces anomalies disparue du monde auquel personne ne se souviendra. Je porte le nom d’artiste car je n’ai rien à offrir hormis les lambeaux de ma personne. Je n’ai pas le courage d’en faire une œuvre d’art ni la force d’en faire un emblème et ne possède encore la sagesse de dire quoi que ce soit.
Comme je le dis jours après jours, je n’ai qu’un long râle désagréable qui sort de ma gorge comme un vieux souffle de vielle caverne. Je vois mon corps se décomposer. J’ai passé l’apogée de mes organes. Il ne me reste plus qu’a assister aussi démuni que je le suis depuis ma naissance à ma chute.
Je prendrais quelques photos, j’aurais au moins le sourire dans ma tombe.